Crédit photo : DL&MW
Comme le veut la tradition, m’a-t-on dit, c'est au dernier arrivé de rédiger le traditionnel compte rendu. Ma brève apparition à Sanguinet 2020, annulé avant même d'avoir commencé (2ème vague de Covid) ne comptant pas, c’est pour ma pomme...
Ceux pour qui la lecture de longs paragraphes ennuie, le résumé du WE est :
Samedi : pétole. Dimanche : 1 manche entre deux pétoles. Lundi : 5 manches avec un vent bien pour nous, trop léger pour les autres. Mardi : 3 manches dont une sous un fort grain.. Ambiance à terre comme sur l’eau très conviviale !
Sinon, ci dessous je développe et vous fais part du vécu de ce WE par un jeune équipage (quelques mois) fait d’un vieux couple (plus de trente ans…), Karima et moi, tous deux la cinquantaine bedonnante..
Début août, soit 3 ans après une tentative infructueuse, Karima se risque à nouveau et prend enfin goût à faire équipière sur le 4000. Entre temps elle m'aura laissé avec d'autres, essuyer les plâtres et tracer quelques sillons avec le mat dans la vase de l'étang de Thau. Pour se motiver on se fixe comme objectif la participation à Sanguinet 2022. Ainsi d’août à octobre nous faisons une à deux sorties hebdo sous 5 à 10kts de vent et participons à notre première régate, la Berreyskiff, 15j avant Sanguinet.
Les campings de Sanguinet étant fermés cette année dès le 15 octobre, les différents équipages de 4000 sont plus éparpillés qu'à l'accoutumé. Néanmoins 4 équipages dont nous, se regroupent pour louer une grande maison ("les étoiles dans l'arbre") qui deviendra par moment le QG des 4000.
La veille du départ, je regarde les inscrits : dix 4000, une dizaine de 49er, une vingtaine de 29er puis une dizaine de rs800, contender, musto. Côté météo ; faible le samedi, pétole le dimanche plus fort le lundi et de nouveau calme le mardi. J'appréhende le lundi et espère que le dimanche faute de vent, la régate soit remplacée par une sortie au Pilat, ça ferait plaisir à Madame..
Samedi matin. On se rend à l'anse.
Tout le monde s’attelle à mater gréer son bateau, les fortys, les twentys (Pôle France et France jeunes FFV...) et bien sûr les 4000 dont l’équipe de la Ganguise venue en force avec trois 4000. On recherche les couples ou équipages mixtes : pas bézef : un RS 800, Paul et Marie en FX et bien sur Thomas et Cindy en 4000.
Côté 4000 vient le réglage de quête et tension. Doit-on tenir compte de la manille et/ou de l’anneau du décamètre dans la mesure de quête? Les avis divergent autour de moi... Perso je soustrais l’anneau du déca mais pas la manille… de toute façon j’ai réalisé en démâtant que mon mât était tordu vers l’arrière et la gauche (suite aux plantés de mât dans la vase..) donc je ne suis plus à 2 centimètre près! Malgré l’utilisation d’un tensiomètre qui passe de mains en mains, chacun tripote les haubans et étais du voisin. Nous les faisons sonner comme de guimbardes, impression d’orchestre qui s’accorde avant le concert !!
Vers 13h nous nous rendons sur l’eau. Le lac étant très bas, nous devons tirer les bateaux sur une bonne centaine de mètres jusqu’à atteindre une profondeur suffisante. S’ensuit un long bord sous spi sous quelques nœuds de vent. Ainsi on met quasi une heure pour rejoindre le bateau comité. Puis on attend. Et plus on attend plus le vent baisse… Finalement une heure plus tard il n'y a plus un pet de vent et nous rentrons tous remorqués par les différents zodiac présents, en grappes de 2 à 5 bateaux..
Le soir, vue la faible fatigue, il est décidé de réaliser l’AG Class4000France au QG. AG suivie d’un repas improvisé. Danielle se charge des courses, frites et magrets de canard au menu. Mickaël expert en Ti punch prépare et personnalise le breuvage en fonction des préférences de chacun. Malgré cela, certains expriment comme une inquiétude à l'idée de croiser les gendarmes sur le chemin du retour...
Dimanche 29
Afin de rattraper les manches non courues la veille, l’organisation a décidé d’avancer le départ à 10 heures. Mais le vent ne s’est pas levé plus tôt pour autant! Et nous voilà à attendre en scrutant l’affalage de l'Apercu. On se retripote les étais et haubans, on glane des astuces de montage, écoute de foc, attaches gourdes et sac à casse-croûte .. Ce n'est que vers 14 heures, qu'un pet de mouche de l’autre côté du bassin redonne espoir à la présidente et nous envoie sur l’eau ; point de ballade au Pilat... Le vent s’établit autour de 5kts. Premier départ complètement raté, car incapable d’interpréter les drapeaux et coups de trompette... arrivée 30-35 minutes plus tard dans le groupe de queue.
49ers à part, on peut déjà diviser la flotte en trois groupes : le premier loin devant, le second, et le troisième loin derrière !! Nous on fait partie de celui de derrière! composé de deux 4000 (nous et le « jaune ») un RS800, deux Contender et 3 29er. Bien que n'ayant pas l'esprit de compétition très développé, on se surprend à se prendre au jeu, et instinctivement, vouloir rattraper le bateau de devant ; sûr, c’est un peu le principe de la régate !!. C’est étonnant comme le cerveau adapte ses objectifs à la réalité… du coup notre compétition se rétrécit et se fera au sein de ces quelques unités du groupe de queue!
En attendant le deuxième départ, des 4000 s’approchent, me délivrent des conseils pour corriger nos grossières erreurs.. Malheureusement, le vent disparaît, et nous rentrons comme la veille en chapelet tractés par les zodiacs.
Le comité propose une pasta-partie au club. Nous la boudons car devons préparer le repas du soir frites et seiches à la plancha. Et revoilà réunie une vingtaine de convives au QG. Ambiance chaleureuse, discussion voile ou non, sorties passées et à venir.. Pour le retour, toujours cette crainte du gendarme, certains proposent des trajets alternatifs... Demain il est prévu une quinzaine de noeuds avec rafale à 28 !! Pour Karima et moi ça sera sous-marin ou parapente mais certainement pas à plat sur l’eau !!
Lundi 30
Au vu des prévisions plus musclées, la plupart adaptent leur quête de mat et leur tension, nous en plus on hisse un cubi de 5l "anti-chapeautage"...
Mais en fait, le vent oscillera toute la journée entre 5 et 10 kts. Ainsi, 5 manches vont s’enchaîner de 11h à 15h sous un ciel nuageux, point de coup de bastoufle ouf. !!. Beaucoup auraient préféré plus de vent, mais pour nous c’était très bien.
Nous sommes ravis malgré notre piètre classement d’avoir navigué au mieux de ce qu’on savait faire. Pas de dessalage, de grosse erreur, à part lors de la première manche : le spi une fois hissée, drisse non mis au taquet est redescendu plus vite qu’il n’était monté puis est venu chaluter sous l’étrave avec une impression de freinage au frein à main.. Également, on constate qu’au pré on est vraiment mauvais, en cap et en vitesse. C’est agaçant et encore plus flagrant en tout début de manche quand la flotte est resserrée. Malgré des départs plutôt correctes on se fait laisser sur place par l’ensemble de la flotte, à part notre petit groupe de queue ! Groupe dans lequel chacun alterne les classements, c’est plaisant, et quand on est devant le « jaune »(Philippe et Serge), c’est la jubilation!
L’attente entre les manches est l’occasion d’échanger à chaud nos péripéties et bénéficier d'avis des moustachus.. Pour la flotte de devant, il semblerait que Mickaël, Cédric et Yannick (à la barre) se disputent les premières places. Également il semble que plusieurs 29ers leur tiennent la dragée haute !! Font iech ces jeunes !
Par ailleurs, je ne peux vous épargner la mésaventure arrivée le matin à Thomas et Cindy. Lors de la mise à l’eau, en marche arrière, dans du sable mou où il faut prendre de l’élan, le safran non suffisamment remonté plante et arrache l’aiguillot du bas. Je vois alors Thomas affligé. On sent en lui une envie d'hurler, mais self-control oblige, il intériorise!! Pour eux c’est terminé, tous ces km parcourus pour une malheureuse manche sans vent disputée la veille... Mais c’était sans compter sur la pugnacité de Thomas.. les miracles de radio ponton et de la solidarité. J’apprendrais plus tard qu’il a pu obtenir les clés du van de Yannick (déjà sur l’eau..) et ainsi l’accès au double fond, apparemment caverne d’Alibaba du 4000 où il a pu trouver son bonheur d’aiguillot. Rapidement remonté, Thomas et Cindy se présente au départ de la deuxième manche !! Chapeau, bel exploit et merci à Yannick de faire suivre l’annexe de Rooster.
Le soir le club organise, en intérieur et sous chapiteau le repas traditionnel pour une centaine de personnes. La team 4000 pour ne pas s'éparpiller, s’installe à l’extérieur autour d’une longue tablée. Il manque l’équipe de la Ganguise qui avait préalablement pris place à l’intérieur, dommage. Ambiance toujours animée et chaleureuse. Bon repas, merci aux bénévoles. Le vin est servi avec modération... nous rentrons cette fois sans crainte du gendarme !!
Je me couche serein, demain il est prévu 5-8kts de vent, pas de rafale !!
Mardi 1er novembre aie aie aie !!
La première manche est incontestablement notre meilleure du WE! Coup de bol, ou réel progrès ? Fort des conseils reçus la veille (réglage de chariot de foc, de bordure de grand voile et foc),2 notre pré semble meilleur et réussissons à venir accrocher le groupe du milieu : quelle satisfaction !!!
Cette joie ne sera que de courte durée… Lors de la deuxième manche, à quelques minutes de la première bouée le vent se lève brutalement, autour de 20 kts. Entre la bouée au vent et celle de dégagement nous voyons déjà trois bateaux dérive en l’air… A notre tour, nous passons la bouée, abattons, accélérons fort. Karima est au milieu prête à hisser le spi. Je temporise, hésite, ça souffle trop pour nous. Karima peut être enivrée par la vitesse m’assène « allez putain on y va !! » (après 30 ans, elle me surprend encore, normalement c'est elle qui freine!!). Hélas, une demi seconde plus tard : coup de lof et on dessale.. Karima à peine la tête sortie de l’eau me lance : « c’est pas ma faute, c’est pas ma faute !!!, mais qu’est ce t’as foutu ?? » : « j’en sais rien, c’est allé trop vite !!». Nous ressalons et finissons la descente, péteux sans hisser le spi. Le « jaune » quant à lui, plus couillu nous double plein badin sous spi. Malheureusement, arrivée à la porte sous le vent, il dessalera et s’empêtrera avec le spi sous l’eau.. Dix minutes après cette mésaventure le vent rebaisse et bascule. On entame le deuxième tour alors que tous les autres sont déjà arrivés…la loose !!
La troisième et dernière manche est sans particularité. Nous rentrons à la plage d'un seul et long bord sous spi.
Trop long à tout plier nous loupons la remise des coupes, mais échangeons nos coordonnées avec projets de navigations communes à la Ganguise et sur l'étang de Thau.
Nous rentrons emballés par ce WE, ravis d'avoir pu naviguer au milieu (à la traîne) d'un bon groupe de 4000 et autres skiffs sur un beau plan d'eau. Mon ressenti de 2020 se confirme : ce groupe de 4000 fédéré au sein de la Classe4000France est des plus sympathique, il est animé par un très bon état d’esprit.
Je ne peux qu'inciter les équipages hésitant à rejoindre les rencontres 4000 (pour peu qu'il n'y ait pas la France à traverser..) Tous les niveaux sont les bienvenus, la preuve j'en suis, et les brillants ne seront pas déçus, il y a du très haut niveau.. Naviguer avec des 4000, c'est autre chose que naviguer seul ou avec des Lasers solo (c'est notre cas à Marseillan). Et mieux que de faire simplement progresser, ça donne envie de progresser. L'envie d'avoir envie...
Récit déjà bien trop long, je vous ai épargné des nombreux mots doux du vieux couple, échangés à bord, un exemple quand même : (lors d’une accalmie..)
V : « Karima rentre, tu vois bien que je suis recroquevillé sous la bôme, en plus ça me pète le genou ! »
K : « ouais mais sinon le bateau est pas à plat »
V : « rentre quand même, j’ai trop mal au genou (le gauche), puis on est à plat »
K : « non on est pas à plat, tout le monde te dis que t’es pas à plat, qu’il faut être à plat et toi tu dis que t’es à plat ? ben on a pas fini d’être les derniers… »
V « on est pas les derniers ! »
En espérant que l'hiver n’altère pas cet enthousiasme...
A très bientôt
